Insomnie: Les Thérapies Cognitivo-Comportementales

A retenir:

  • Traitement de première intention dans l’insomnie primaire
  • Expliquer les mécanismes de l’insomnie
  • Présenter les principes d’hygiène du sommeil et de contrôle du stimulus
  • Utiliser l’agenda du sommeil pour adapter les traitements
  • Pour aller plus loin: la restriction du sommeil: contrôle fréquent et compliance du patient indispensable

Techniques non médicamenteuse, elle sont le traitement de première intention des insomnies primaires.

Il ne s’agit pas en médecine générale de réaliser une thérapie comme pourrait le faire un psychologue ou un médecin du sommeil, mais de pouvoir proposer une alternative efficace aux traitements hypnotiques.

Dans ces outils, on note:

La Psycho éducation:

Il s’agit d’expliquer au patient son trouble afin de favoriser son adhérence à la thérapeutique et donc sa prise en charge.

Il s’agit à l’heure actuelle d’hypothèses, reconnues par la communauté scientifique. Parmi elles, c’est le modèle tripartite de Spielman qui est le plus reconnu :

  • Facteurs prédisposants: la dépression, l’anxiété, la rumination, le sexe féminin, l’âge, une tendance familiale à l’insomnie, l’obésité, la sédentarité…
  • Facteurs précipitants: une situation ou un évènement de vie qui coïncide avec la mise en place de l’insomnie (deuil, séparation, naissance, perte de travail…). Ils entrainent l’insomnie aigue.
  • Facteurs perpétuant: l’individu va développer des mécanismes de pensées dysfonctionnelles : amplification, dramatisation, surgénéralisation… En interprétant l’insomnie comme une perte de contrôle, on lui porte davantage d’attention ainsi qu’à ses conséquences, ce qui favorise la chronicisation. De plus, cela entraine la plupart du temps des stratégies de récupération de sommeil inadéquates : rester plus longtemps au lit, aller au lit plus tôt en soirée, faire des siestes durant la journée, etc… Ces comportements ont tendance à dérégler le cycle veille / sommeil et affaiblissent la pression homéostatique ce qui chronicise l’insomnie.

L’évolution de l’insomnie selon Spielman

L’hyper éveil est l’une des caractéristiques principales de l’insomnie. En effet un niveau excessif d’éveil est incompatible avec le sommeil (influence causale) mais le manque de sommeil facilite également cet hyperéveil (amplification du phénomène).

En effet, les conséquences d’un manque de sommeil sont : une inquiétude concernant cette perte de sommeil, une anxiété de performance : vouloir dormir à tout prix, ou encore une rumination sur les conséquences diurnes de la perte de sommeil. Ceci entraine un état d’hyper éveil, qui entraine lui-même une distorsion du temps écoulé, qui accentue la détresse et la subjectivité de la perte de sommeil.

Les effets du manque de sommeil : fatigue, diminution des performances, perturbations de l’humeur, etc… rappellent les difficultés à trouver le sommeil et entrainent des dysfonctions cognitives à propos de soit même et du sommeil.

Un sentiment d’impuissance va alors apparaitre, et le patient va croire son insomnie incontrôlable, inévitable, et cela va entrainer une activation cognitive, des ruminations qui majorent les troubles du sommeil.

Il peut également être tenté de développer des mauvaises habitudes de sommeil afin de récupérer de sa dette de sommeil : augmentation du temps passé au lit, sieste, horaires de sommeil irrégulières, qui peuvent être efficaces à court terme mais vont perturber l’horloge biologique et la pression homéostatique du sommeil.

Enfin, les fausses croyances à propos du sommeil, les attentes irréalistes, les mauvaises attributions des causes de l’insomnie et les amplifications de ses conséquences produisent une détresse émotionnelle et aggravent l’insomnie.

A promouvoir et expliquer peu importe la cause de l’insomnie. Avant de proposer un traitement médicamenteux ou non, il est important de revoir les principes permettant un bon sommeil, en les expliquant pour une meilleur adhérence du patient.

  • A éviter:
  • Les stimulants (café, thé, boissons énergisantes, sodas) en excès, et après 14h.
  • L’alcool au repas du soir : il facilite l’endormissement, mais fragmente le sommeil et provoque des réveils nocturnes.
  • La nicotine avant le coucher et lors des réveils nocturnes.
  • Les repas trop copieux et gras le soir qui entrainent des problèmes de digestions. Mais sauter le diner peut entrainer des fringales nocturnes et favoriser les réveils.
  • A encourager:
  • L’activité physique qui favorise l’endormissement et le sommeil profond, mais pas dans les heures qui précèdent le coucher (par la hausse de la température corporelle, cela peut provoquer des difficultés d’endormissement).
  • En journée, s’exposer à la lumière du jour, pratiquer une activité physique, prendre un petit déjeuner complet pour marquer le réveil. Cela aide à réguler l’horloge biologique.
  • La chambre à coucher:
  • Un environnement sombre, et calme.
  • Une température comprise entre 18 et 20° : une température trop chaude ou trop froide entraine une compensation du corps qui empêche l’endormissement.
  • Ne pas avoir son réveil visible : en plus du stimulus lumineux, la vision de l’heure entraine des angoisses d’un manque de sommeil et de la frustration.

Les mesures comportementales :

Elles visent à modifier les comportements qui entretiennent l’insomnie.

Dans l’insomnie chronique, le lit et le coucher sont associés à la crainte de ne pas dormir et aux tensions et ruminations de la journée (classiquement, un insomniaque s’endort plus facilement dans son canapé ou son fauteuil).

Le but est donc de:

  • permettre de trouver le sommeil quand il est recherché
  • renforcer l’association entre le sommeil et la chambre à coucher, l’heure de coucher
  • consolider le sommeil sur les périodes passées au lit

Ainsi, il faut:

  • Une heure avant le coucher, créer une routine de coucher : préférez des activités calmes et relaxantes, dans un environnement sombre, et sans écrans, qui vont perturber l’horloge biologique par la stimulation lumineuse. Se préparer à se mettre au lit : toilette, relaxation…
  • Le lit ne doit être utiliser que pour dormir et pour les activités sexuelles. Pas d’écrans dans la chambre, mais on évite également de lire, de parler au téléphone, de manger…
  • Se coucher uniquement lorsque vient le besoin de dormir. Ecouter son corps : frottement des yeux, bâillement, assoupissement… Ne pas essayer de s’endormir à tout prix afin d’éviter la frustration et l’angoisse de performance.
  • Une fois au lit, si le sommeil n’est pas trouvé au bout de 20 à 30 minutes, se lever et changer de pièce pour pratiquer une activité calme, avec lumière faible, en attendant d’être somnolent. De même, lors de réveils nocturnes, se relever et effectuer la même démarche.
  • Respecter ses horaires de lever et de coucher : elles doivent être les mêmes en semaine ou le WE. Les horaires de lever sont les plus importantes car elles mettent en route notre horloge biologique. Il est possible de récupérer un peu sa dette de sommeil le WE, mais au-delà de 2 heures, le sommeil sera plus léger et moins réparateur, et la nuit suivante risque d’être perturbée.
  • La sieste peut être utiliser pour rattraper une dette de sommeil, mais pas plus de 30 minutes et pas après 16h.

C’est la méthode la plus efficace mais aussi la plus difficile à mettre en place. Il est primordial de bien expliquer l’effet recherché et de réévaluer fréquemment son effet.

Une personne souffrant d’insomnie passe trop de temps au lit sans dormir. Or le temps passé au lit sans dormir génère anxiété, hyper éveil qui participe au cercle vicieux de l’insomnie.

Ainsi, il s’agit de :

  • limiter les situations d’attente de sommeil;
  • générer un état de privation du sommeil, afin d’utiliser la pression du sommeil pour faciliter l’endormissement et le sommeil profond.
  • Il ne s’agit pas d’augmenter la durée de sommeil, mais d’améliorer la qualité et la continuité de celui ci.

Concrètement :

  • Définir la durée moyenne de sommeil : selon l’agenda du sommeil réalisé. Celle-ci deviendra le temps passé au lit. Elle ne peut être inférieure à 5h par nuit.
  • L’heure de lever, qui doit être constante, et définie en fonction des impératifs (travail…)
  • L’heure de coucher : heure de lever – durée moyenne de sommeil. Le patient ne peut pas aller au lit avant cette heure de coucher. A partir de ce « seuil horaire », il peut aller au lit, si il éprouve de la somnolence.

Cette restriction va:

  • augmenter rapidement (1 à 3 semaines) l’efficacité du sommeil, définie par : Temps de sommeil total / Temps passé au lit * 100%
  • renverser une situation : le patient luttait pour dormir, il lutte maintenant pour rester éveillé
  • synchroniser et renforcer l’horloge biologique.

La réévaluation:

  • Elle se fait chaque semaine, en fonction de l’Efficacité de sommeil (ES) :
  • Si ES > 85% : on peut augmenter la durée de sommeil de 15 minutes
  • Si ES < 80% : on diminue la durée de sommeil de 15 minutes.

Effets désirables:

Il s’agit principalement de la somnolence diurne. Elle peut être difficile à accepter, surtout en début de thérapie, quand les effets bénéfiques ne sont pas encore présents.

Si la durée de sommeil entraine une somnolence diurne excessive, une sieste peut être employée, à condition :

  • D’une durée de moins de 30 minutes
  • Avant 15 heures
  • Dans le lit, afin de renforcer le contrôle du stimulus

Le stress joue, de manière évidente, un rôle fondamental dans l’insomnie. Les personnes souffrant d’insomnie vont avoir des réponses fortes aux évènements stressants, ils prendront plus de temps à revenir à un état neutre.

La relaxation est définie comme un état de repos du corps et de l’esprit, pendant l’éveil. Ainsi, elle peut à la gestion de ce stress, qui interfère avec la qualité de vie et le sommeil.

De très nombreuses méthodes de relaxation existent, et l’efficacité de ces méthodes varient en fonction d’un individu.

On peut mentionner la cohérence cardiaque, les techniques de respirations, la méditation guidée ou l’ASMR (Autonomous Sensory Meridian Response) pour lesquelles on peut trouver de nombreux exemples sur internet.

La relaxation musculaire progressive, développée par Edmund Jacobson, qui consiste à adopter une respiration calme et profonde puis en une contraction musculaire de certains groupes suivie par une relaxation pour ressentir la différence de tension entre ces deux états.

Méthode plus spécifique, il s’agit de travailler avec le patient sur ses schémas de pensées dysfonctionnels, qui entretiennent le cercle vicieux de l’insomnie par trois mécanismes :

  • En générant un état émotionnel négatif qui nuit au sommeil.
  • Ils conduisent à la mise en place de comportements inadaptés qui renforcent l’insomnie.
  • Ils perturbent la lecture des conséquences de ces comportements, et en favorise le renforcement, ainsi que l’extinction des comportements propices au sommeil.

Pour mettre en évidence ces croyances erronées, on peut faire réaliser au patient l’Echelle des croyances et attitudes concernant le sommeil, disponible ici.

  • Attention, il ne s’agit pas de le convaincre que « tout est dans sa tête » ou que l’insomnie n’est responsable d’aucun de ses symptômes, mais de remplacer ces pensées par des attitudes plus adaptées.

Dans les grandes lignes il s’agit:

  • De garder ses attentes réalistes : Les besoins de sommeils varient d’une personne à l’autre. Une nuit de 8 heures n’est pas forcément nécessaire, et il ne faut pas comparer son sommeil avec celui de son conjoint.  Vouloir atteindre certaines normes à tout prix renforce l’anxiété de performance. De plus, le sommeil évolue au cours de la vie et la baisse de la qualité de sommeil chez la personne âgée n’est pas forcément signe d’insomnie.
  • Eviter de blâmer l’insomnie : un insomniaque pense souvent qu’une mauvaise nuit de sommeil est obligatoirement néfaste pour son fonctionnement au quotidien, son humeur, sa santé. Bien qu’en partie vrai, l’amplification des répercussion, l’attribution de tous les problèmes de fonctionnement diurne à l’insomnie et l’inquiétude excessive de ses conséquences vont déformer la réalité. Les études montrent que sur les critères objectifs, la performance réelle et la vigilance sont pratiquement intacte (bien que la motivation et la prise d’initiative soit diminuée).
    Souvent, l’altération de l’humeur (irritabilité) suite à la mauvaise nuit de sommeil va modifier la perception des choses. L’insomnie est la cible facile à toutes nos difficultés (attention à ne pas nier les effets de l’insomnie qui sont réels mais souvent un des facteurs en cause et non le seul).
  • Réviser les conceptions de la cause de l’insomnie : on a tendance à mettre en cause des facteurs extérieurs à notre contrôle tel que des facteurs hormonaux, l’âge, qui bien que valides restent hors de notre portée. Si on s’attarde dessus, cela renforce le sentiment d’impuissance.
  • Ne pas essayer de dormir : Cela renforce l’anxiété de performance. C’est lorsque l’on arrête de vouloir contrôler notre sommeil à tout prix que l’on peut s’affranchir de l’insomnie.
  • Apprendre à gérer les pensées intrusives : elles sont inévitables : la première option est l’acceptation, la deuxième de limiter au maximum leurs apparitions en minimisant le temps passé au lit sans rien faire (contrôle du stimulus).
  • Ne pas dramatiser après une mauvaise nuit : la conséquence principale est la somnolence. Mis à part cela, une mauvaise nuit, même si désagréable, n’est pas dangereuse. Il n’y a besoin de rattraper qu’1/3 des heures perdues et une bonne nuit de sommeil la nuit suivante est suffisante. Rester au lit favorisera un sommeil léger peu réparateur et perturbera la nuit suivante, tout comme la sieste (surtout >30 min et après 15h).
  • Ne pas mettre le sommeil au centre de notre vie : Le sommeil ne représente qu’1/3 de notre vie. Il est probable que l’insomnie n’est pas une répercussion aussi importante que celle attribuée, et il est important de maintenir ses activités de loisirs et de routine malgré tout.
  • Développer une tolérance face aux effets de l’insomnie : Poursuivre ses activités habituelles, ce qui n’est pas simple mais peut montrer que le fonctionnement diurne n’est peut-être pas si impacté que cela.

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